Anselm Kiefer et Pascal Dusapin au Panthéon

11 novembre 2020 Événement , Art contemporain

Découvrez les œuvres d'Anselm Kiefer et de Pascal Dusapin, installées à l'occasion de la cérémonie d'entrée au Panthéon de "Maurice Genevoix, et Ceux de 14".

 

À l’occasion de l’entrée au Panthéon de Maurice Genevoix et de l’hommage à Ceux de 14 le 11 novembre 2020, M. Emmanuel Macron, Président de la République, a ordonné une commande publique à l’artiste plasticien Anselm Kiefer et au compositeur Pascal Dusapin. Les œuvres réalisées dans le cadre de cette commande intègrent, de manière pérenne, le parcours de visite du Panthéon. 

Port du masque obligatoire dès 11 ans et recommandé à partir de 6 ans.

            

   

L’installation de Anselm Kiefer se compose de six groupes monumentaux placés au sein de hautes vitrines et disposées dans les transepts à gauche et à droite du chœur du monument. Cinq d’entre elles portent des inscriptions issues des livres de l’écrivain Maurice Genevoix et du poète Paul Celan. Composées de matériaux très divers (ciment, fil de fer barbelé, cuivre, plomb, corde, bois, caoutchouc…), ces œuvres illustrent différentes scènes inspirées par la Grande Guerre.

L’œuvre musicale de Pascal Dusapin "In Nomine Lucis" ("Au nom de la Lumière") est conçue pour chœur a cappella, sans accompagnement instrumental. Elle a été enregistrée avec le chœur Accentus à la Philharmonie de Paris avec des textes issus de l’Ecclésiaste, de Virgile et de inscriptions funéraires de la Rome Antique. L’œuvre est également composée d’enregistrements de noms de soldats lus par les comédiens Florence Darel et Xavier Gallais. Soixante-dix haut-parleurs ont été installés à des hauteurs très différentes, certains à plus de trente mètres de haut, d’autres à dix-huit mètres et enfin quelques-unes au sol du Panthéon, créant un mouvement du son inédit. L’œuvre se déclenchera à différents moments de la journée pour quelques minutes au sein d’un monument, qui dispose d’une acoustique très particulière dont l’œuvre tient compte.

Découvrez ici l'interview croisée d'Anselm Kiefer et de Pascal Dusapin par Jean de Loisy.

    

 

"L'installation des œuvres d'Anselm Kiefer et Pascal Dusapin au Panthéon marque sans nul doute une date importante dans l'histoire du monument. Aucune peinture, aucune sculpture n'y a été installée de manière pérenne depuis le dévoilement du groupe sculpté de Bouchard en 1924, c'est-à-dire près d’un siècle. Quant à la commande adressée à Pascal Dusapin, c'est une première absolue, grâce à laquelle la Musique entre au Panthéon par la grande porte. L'œuvre a été conçue en fonction des caractéristiques acoustiques du monument, et ne sera entendue nulle part ailleurs ; elle fait corps avec le bâtiment. Je souhaite que le public puisse venir nombreux découvrir ces œuvres et apprécier la manière dont elles complètent et enrichissent le monument lui-même, et surtout dont elles contribuent à sa mission mémorielle. Arts plastiques et Musique se rejoignent pour commémorer les souffrances et les sacrifices de la Nation unie devant l'épreuve et pour célébrer la victoire finale."

Philippe Bélaval, Président du Centre des monuments nationaux

  

     

BIOGRAPHIE DES ARTISTES

               

ANSELM KIEFER 

Né en 1945 à Donaueschingen dans le Bade-Wurtemberg en Allemagne, Anselm Kiefer étudie le droit, les langues et les littératures romanes, avant de s’orienter vers l’art et de fréquenter les Ecoles des beaux-arts de Fribourg-en-Brisgau et Karlsruhe. À l’Académie des beaux-arts de Düsseldorf il entre en contact avec Joseph Beuys, lui montre ses œuvres et prend part à ses performances. Après avoir travaillé à Buchen dans l’Odenwald entre 1971 et 1992, il s’installe en France et travaille depuis 1993 à Barjac dans le Gard et également, depuis 2007, en région parisienne.

L'œuvre d'Anselm Kiefer démarre sur une interrogation capitale : comment, après l'Holocauste, être un artiste qui s'inscrit dans la tradition allemande ?En 1969 il réalise, en France, en Italie et en Suisse, l’action Besetzungen (Occupations) dans laquelle il parodie le salut hitlérien vêtu de l’uniforme militaire de son père. Il entame ainsi un travail sur la mémoire de la guerre et du nazisme afin de rompre le silence imposé sur le passé récent. Ce travail existentiel de mémoire s'est élargi à une quête spirituelle nourrie, entre autres, de littérature, de philosophie, de grands mythes et de mystique kabbalistique. Ses réalisations artistiques englobent et associent peinture, photographie, livre et sculpture. Les œuvres d’Anselm Kiefer sont présentées aussi bien dans des collections privées que dans celles des grands musées du monde. En octobre 2007 trois de ses œuvres entrent dans les collections du musée du Louvre. La même année, il inaugure le programme Monumenta du Grand Palais à Paris, avec un travail qui rend hommage notamment aux poètes Paul Celan et Ingeborg Bachmann, mais également à Céline.

En 2009, à l'occasion des célébrations de ses vingt ans, l'Opéra Bastille commande à Kiefer la conception d'un spectacle musical intitulé Am Anfang, d’après des textes bibliques de l'Ancien Testament. Il en réalise le concept, la mise en scène, les décors ainsi que les costumes. Nommé titulaire de la Chaire de création artistique du Collège de France à Paris en 2010/2011, il propose une série de leçons intitulée "L’art survivra à ses ruines". La Royal Academy of Arts de Londres a consacré une large rétrospective à son travail en 2014, tout comme l’année suivante, à Paris, le Centre Pompidou ainsi que la Bibliothèque nationale de France.

En 2017 à l'occasion du centenaire de la mort d‘Auguste Rodin, le Musée Rodin à Paris et la Barnes Foundation à Philadelphie présentent l’exposition Kiefer – Rodin. Pour ce projet l’artiste crée des livres, des vitrines et des peintures inspirés de l’œuvre d’Auguste Rodin. En 2019, l’exposition itinérante Anselm Kiefer. Livres et xylographies est présentée à la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature à Montricher en Suisse, puis au Musée Astrup Fearnley à Oslo. Le monastère de la Tourette l’invite à exposer des œuvres en dialogue avec l’architecture de Le Corbusier 52 ans après son premier voyage à Eveux.

  

      

PASCAL DUSAPIN

C’est à l’âge de 18 ans que Pascal Dusapin écoute Arcana d’Edgar Varèse à l’université de Vincennes. Sa vie bascule, car il sait que, désormais, elle se confondra avec la composition musicale. Auparavant, il y eut l’éveil musical grâce à un trio de jazz qui jouait dans l’hôtel où il était en vacances avec sa famille; il en revient avec l’envie de jouer de la clarinette, son père le mettra au piano. Puis, à 10 ans, il découvre l’orgue, une déflagration émotionnelle qui perdurera au travers d’une adolescence chaotique. À grandir entre un petit village lorrain et la banlieue parisienne, il ne choisit aucune obédience et se passionne autant pour Bach que pour les Doors, le free jazz et Beethoven, s’abreuvant des découvertes musicales propres aux années 70. Il suivra les cours de Iannis Xenakis de 1974 à 1978, qu’il perçoit comme le dépositaire contemporain de Varèse. Xenakis est pour lui un maître "à penser autrement" qui élargit son horizon aux mathématiques et à l’architecture.

Ses premières pièces, Souvenir du silence et Timée, trouvent l’écoute et le soutien des compositeurs Franco Donatoni et Hugues Dufourt. André Boucourechliev, lui lègue de précieux conseils et des maximes qui resteront pour toujours des compagnes de route. En 1977, Pascal Dusapin remporte le prix de la Fondation de la Vocation et en 1981, celui de la Villa Médicis où il séjournera deux ans et écrira Tre Scalini, Fist et Niobé.

L’été 1986, il écrit Assaï pour le ballet de Dominique Bagouet. En 1986, avec l’appui de Rolf Liebermann, il s’engage dans l’aventure de son premier opéra, écrit en étroite collaboration avec l’écrivain Olivier Cadiot, Roméo et Juliette. La création aura lieu simultanément à l’Opéra de Montpellier et au Festival d’Avignon. Pascal Dusapin relie dès lors sa passion littéraire à ses travaux opératiques. Ainsi naîtront Medeamaterial d’après Heiner Müller, To Be Sung, d’après Gertrude Stein, et uomo di fumo, d’après Aldo Palazzeschi. Il écrit ensuite le livret des opéras Faustus, the Last Night et Passion. Poursuivant sa mise en abyme des héros antiques, Pascal Dusapin s’attaque au livre référence de Heinrich von Kleist pour son opéra Penthesilea, dont il tire également une suite pour soprano et orchestre, Wenn du dem Wind…, créée au Suntory Hall de Tokyo en août 2014.

En septembre 2019, c’est son huitième opéra, Macbeth Underworld, qui est créé à la Monnaie de Bruxelles. Le chef-d’œuvre de Shakespeare est ici revisité sur un livret de Pascal Dusapin et de Frédéric Boyer, dans une mise en scène de Thomas Jolly. Entrelacées dans l’écriture de ses opéras ont éclos de nombreuses pièces dont sept quatuors à cordes, d’autres partitions vocales telles que La Melancholia, Granum Sinapis, Dona Eis, Disputatio, ainsi que Sept études pour piano, le concerto pour piano A Quia, les sept solos pour orchestre Go, Extenso, Apex, Clam, Exeo, Reverso et Uncut. Un nouveau cycle pour orchestre, inspiré par la nature, Morning in Long Island, a été créé par l’Orchestre Philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Wun Chung. Citons aussi le concerto pour violon Aufgang, commande de Renaud Capuçon, une pièce pour piano et six instruments, Jetzt genau!, ainsi que le concerto pour violoncelle Outscape, écrit pour Alisa Weilerstein, qui a été créé par le Chicago Symphony Orchestra. Le double concerto At Swim-Two-Birds, écrit pour la violoniste Viktoria Mullova et le violoncelliste Matthew Barley, a été créé le 30 septembre 2017 par le Netherlands Radio Philharmonic Orchestra.

En 2018, il compose Waves, un concerto pour orgue créé en janvier 2020 à l’Elbphilharmonie de Hambourg. Pascal Dusapin est distingué par de nombreux prix, honneurs et récompenses dont le titre de commandeur des Arts et Lettres en 2003, le prix Cino del Duca en 2005, le Dan David Price en 2007 et le titre d’Académicien à la Bayerische Akademie de Munich la même année, qui le voit aussi occuper le fauteuil de la Chaire Artistique au Collège de France. Il tirera de cette expérience et de ses conférences le livre Une musique en train de se faire.

Le Festival Présences 2021 de Radio France lui est dédié. En novembre 2011, il met lui-même en scène son cycle pour piano et baryton sur des poèmes de Friedrich Nietzsche, O Mensch!, aux Bouffes du Nord à Paris. En octobre 2014, il imagine également pour le Festival de Donaueschingen une installation visuelle et sonore Mille Plateaux. Artiste singulier, Pascal Dusapin continue son voyage sonore et formel sans dogme, offrant à travers des formes toujours diverses une musique furieusement émotive.

Irina Kaiserman

     

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